La suite numérique souveraine, la France et l'Europe veulent se libérer des suites Microsoft et google.

La suite numérique souveraine, la France et l’Europe veulent se libérer des suites Microsoft et Google.

Dans notre quotidien professionnel, les suites bureautiques américaines comme celles de Google ou Microsoft sont devenues omniprésentes, presque une évidence. C’est dans ce contexte que le projet du gouvernement français, la “Suite Numérique”, apparaît comme une initiative particulièrement importante pour affirmer la souveraineté de nos informations.

Il faut bien avoir à l’esprit que ces éditeurs utilisent leurs solutions pour commercialiser des informations sur les usages, habitudes, utilisations et ont accès aux données directement depuis leurs cloud propriétaires.

Il ne s’agit pas de créer quelques outils isolés, mais bien de bâtir une alternative complète, cohérente et souveraine pour les agents du service public.

Lancée en mai 2024, cette suite se veut une réponse souveraine et open source aux géants du marché. Lors d’un premier bilan présenté le 27 novembre 2025, la Direction interministérielle du numérique (Dinum) a dévoilé des chiffres qui dessinent les contours d’un projet stratégique aux premiers résultats surprenants. La suite regroupe déjà six outils phares : Visio (visioconférence), Doc (édition collaborative), Fichiers (stockage), Tchap (messagerie), Grist (gestion de données) et l’Assistant (IA générative).

la souveraineté avant tout

Le projet de suite numérique n’est pas qu’une simple mise à jour technologique. Sa mission, est d’assurer la souveraineté numérique de l’État. L’objectif est de fournir aux millions d’agents publics un environnement de travail dont les données sont hébergées en France et dont le développement, souvent basé sur des fondations open source, est entièrement maîtrisé. Cette approche garantit la transparence, la sécurité et l’indépendance face aux fournisseurs étrangers.

Cette vision stratégique est le véritable moteur du projet.

L’ambition est grande : redonner aux agents publics des outils sur lesquels l’Etat a réellement la main, sans dépendance à des services étrangers et sans compromis sur les fonctionnalités. Au passage aussi assurer un cout de fonctionnement réaliste face à des hausse d prix annoncées de 30% sur 4 ans pour office 365.

La messagerie Tchap devient obligatoire

Pour s’assurer que sa suite ne reste pas une option parmi d’autres, l’État a pris une décision radicale. Depuis le 1er septembre 2025, l’utilisation de Tchap, la messagerie instantanée sécurisée, est devenue obligatoire pour les ministères. Cette adoption forcée est une décision stratégique pour surmonter l’inertie administrative et atteindre rapidement une masse critique d’utilisateurs, créant ainsi un effet de réseau indispensable à son succès.

Tchap
Tchap

Basée sur le protocole open source Matrix, développée et hébergée en France, Tchap compte déjà plus de 375 000 utilisateurs actifs mensuels bien au-delà des seuls ministères, touchant les collectivités territoriales, les établissements scolaires ou les hôpitaux. Avec des appels de groupe désormais disponibles et une nouvelle version mobile en préparation, cette décision montre que le gouvernement est prêt à imposer ses outils pour garantir la cohérence et la sécurité de ses communications.

Grist connaît une croissance spectaculaire

Parmi les différents outils, l’un d’eux connaît un succès inattendu : Grist. Cet outil de gestion de données “no-code” permet aux agents, même sans compétences techniques, de créer des tableaux collaboratifs, de visualiser des données et de bâtir de petites applications internes pour suivre des projets ou centraliser des informations.

Grist
Grist

Sa croissance est qualifiée de “spectaculaire” : en seulement un an, Grist est passé de 1 000 à 15 000 utilisateurs actifs mensuels. Ce succès n’est pas anodin ; il s’inscrit dans la tendance de fond du “no-code” qui démocratise la création d’outils métier, un besoin actuel des utilisateurs qui veulent apporter de la valeur sans passer par du code. Il révèle un besoin profond d’agilité pour manipuler et structurer des données sans devoir passer par des développements informatiques complexes.

Un partenariat stratégique avec Mistral AI

Loin d’être en retard, la Suite Numérique intègre l’une des technologies les plus avancées du moment grâce à l’Assistant. Ce chatbot d’intelligence artificielle générative est le fruit d’un partenariat stratégique avec Mistral AI. Sujet dejà évoqué dans cet article.

Mistral
Mistral ai

Actuellement en test auprès de 10 000 agents avant un déploiement général début 2026, l’Assistant est déjà capable de reformuler du texte dans l’outil Doc, la solution de prise de notes collaboratives de la suite, ou de générer les transcriptions des réunions dans Visio. Plus qu’un simple outil, l’IA est pensée comme la future colonne vertébrale de la suite.

L’ambition est “d’en faire le fil invisible entre toutes les briques, sans ajouter de complexité”.

Cette vision est la réponse stratégique au plus grand défi de la Suite Numérique : l’interopérabilité. Tel que les éditeurs américains le proposent avec leurs suites.

L’Assistant n’est pas une fonctionnalité de plus, mais le liant destiné à rendre l’expérience utilisateur aussi fluide que celle des géants du secteur.

Visio et ses comptes rendus automatiques

La meilleure façon de convaincre est de résoudre des problèmes concrets. C’est exactement ce que fait Visio, l’outil de visioconférence de la suite, qui compte plus de 60 000 utilisateurs mensuels. Sa fonctionnalité la plus marquante est la transcription asynchrone. Concrètement, à la fin de chaque réunion, l’outil génère automatiquement un compte rendu écrit de tous les échanges et l’envoie aux participants.

Cette innovation, qui a déjà permis de produire plus de 1 000 comptes rendus pour le seul mois de septembre 2025, n’est pas un simple gain de productivité. Elle transforme la réunion en un document archivable et interrogeable, créant une mémoire institutionnelle automatique, un atout majeur pour la continuité de l’action publique. Des évolutions sont prévues, avec le sous-titrage en temps réel et la synthèse automatique. Visio prouve que la suite cherche à apporter une réelle valeur ajoutée au quotidien des agents et se mets au niveau d’un outil comme Teams.

Pro connect pour unifier les identités

pro connect
Pro connect

ProConnect est le service d’authentification unifiée développé par la France pour identifier de manière simple et sécurisée les agents de la fonction publique qui accèdent aux services numériques de l’administration. Plutôt que de multiplier les identifiants spécifiques à chaque portail, ProConnect permet à un professionnel d’utiliser une seule identité numérique liée à son adresse e-mail professionnelle et au numéro SIRET de son organisation pour se connecter à de nombreux services publics en ligne, tout en bénéficiant d’une session unique (authentification unique) sur l’ensemble des plateformes « ProConnectées ».

Lancé en continuité avec des initiatives comme FranceConnect mais dédié aux usages professionnels, ProConnect remplace et unifie plusieurs anciens services d’authentification (MonComptePro, InclusionConnect, AgentConnect) pour simplifier l’accès des agents publics à leurs outils de travail et celui des entreprises à leurs démarches administratives.

Dans une logique de souveraineté numérique, ce service renforce la maîtrise de l’identité et de l’accès aux données par l’État, diminue la dépendance à des solutions commerciales étrangères et facilite l’interopérabilité entre applications publiques, tout en s’appuyant sur des standards ouverts et des infrastructures sécurisées.

La Suite Numérique de l’État est bien plus qu’une collection d’outils cotes à cotes. C’est un projet politique et stratégique cohérent, qui affiche des premiers résultats. La volonté politique est forte et déterminée à sortir les éditeurs qui ne sont pas compatibles avec nos objectifs de souveraineté.

En s’appuyant sur l’open source, en rendant Tchap obligatoire, en répondant à un besoin métier avec Grist et en intégrant l’IA de pointe de Mistral AI comme futur liant de l’écosystème, la France prouve que son ambition de souveraineté numérique n’est pas un vœu pieux.

Le principal défi, reconnu par la Dinum elle-même, sera de concrétiser cette vision d’une interopérabilité parfaite pour offrir une expérience utilisateur aussi fluide que celle des géants du marché.

Sur la marché des alternatives crédibles existent comme NEXTCLOUD qui est orienté entreprises. Le plus difficile est de sortir de ses habitudes Microsoft ou Google pour éprouver d’autres solutions tout aussi efficaces par rapport à nos usages et surtout moins couteuses.

Par Régis BAUDOUIN

Régis BAUDOUIN

Producteur de XY Magazine depuis 2011, Président d'un éditeur de logiciels Cloud

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