La souveraineté chinoise passe aussi par un BIOS. Ce mois-ci la Chine a présenté son BIOS nommé UBIOS qui doit remplacer les BIOS actuels

La souveraineté chinoise passe aussi par un BIOS

Ce mois-ci la Chine a présenté son BIOS nommé UBIOS qui doit remplacer les BIOS actuels. Il sera présent dans les PC qui seront produits et utilisés en Chine. Cela fait partie de la guerre hybride que mènent les grandes puissances.

Le BIOS (Basic Input/Output System) est un micrologiciel intégré à la carte mère d’un ordinateur qui joue un rôle fondamental lors du démarrage du système. Son principal objectif est d’assurer l’initialisation et le test des composants matériels essentiels, comme le processeur, la mémoire vive (RAM), les disques durs et les périphériques d’entrée/sortie. 

Une fois ces vérifications terminées, le BIOS charge le système d’exploitation depuis un support de stockage (disque dur, clé USB, etc.).

Stratégie de la Chine pour Bâtir son Autonomie Technologique

uBIOS
Ubios

La Fin de la domination américaine

Pendant des décennies, le monde de la technologie a fonctionné sur un modèle d’interconnexion. Les géants américains comme Microsoft, Dell, IBM et Cisco étaient omniprésents en Chine, fournissant les infrastructures matérielles et logicielles qui ont alimenté une croissance industrielle fulgurante. Cette ère de collaboration, perçue comme une aubaine, masquait en réalité une dépendance stratégique que Pékin a jugé intolérable.

Ceci d’autant plus que certains composants son soupçonnés de contenir des backdoor ou leur micologiciels de collecter des données. La Chine a déjà construit son propre réseau internet qui n’est pas celui que vous connaissez ici.

Aujourd’hui, la Chine mène une campagne discrète mais massive pour démanteler cette dépendance. Loin de se limiter au remplacement de logiciels, cette stratégie s’attaque aux fondations mêmes de l’informatique. De la production jusqu’au cœur du matériel. Il ne s’agit plus de choisir une alternative locale, mais de bâtir un écosystème technologique entièrement souverain.

Tout part du Document 79 : L’Ordre Secret pour Effacer l’Amérique

Le point de départ de cette offensive est un ordre secret connu sous le nom de “Document 79”. Émise en septembre 2022 par la Commission de Supervision et d’Administration des Actifs de l’État, son objectif est radical : obliger les entreprises publiques des secteurs les plus critiques, comme la finance et l’énergie, à remplacer tous les logiciels étrangers. Ce document cible en particulier les américains. Tous ces composants doivent être remplacés par des alternatives locales d’ici 2027.

La chine a décidé de cette stratégie suite à l’escalade des tensions technologiques et commerciales avec Washington. En particulier après l’intensification des restrictions à l’exportation de puces et des sanctions imposées par les États-Unis aux entreprises technologiques chinoise. Politique qui continue actuellement.

Le niveau de confidentialité entourant cet ordre était extrême. Selon plusieurs sources, les hauts fonctionnaires et les dirigeants concernés n’étaient autorisés à consulter le document qu’en personne, sans jamais pouvoir en faire de copies. Dans certains cercles, cette directive a même été surnommée “Delete A” pour “Delete America”. Il s’agit d’un signal sans ambiguïté : la Chine ne négocie plus sa place dans l’écosystème existant, elle en bâtit un autre, à ses conditions.

L’Impact Concret sur les Entreprises Américaines

Cette politique n’est pas qu’un projet théorique ; ses conséquences sont déjà mesurables et impactantes pour les plus grands noms de la tech américaine. Les chiffres témoignent d’un changement de marché brutal et rapide.

  • Hewlett Packard Enterprise (HPE) : Ses revenus en Chine, qui représentaient 14,1 % de son total chiffre d’affaires en 2018, ont chuté à seulement 4 % en 2023. Signe d’une retraite stratégique, HPE a annoncé en mai 2023 envisager la vente de sa participation de 49 % dans sa coentreprise chinoise.
  • Dell : Sa part de marché des ordinateurs personnels en Chine a été presque divisée par deux au cours des cinq dernières années.
  • Cisco : Dès 2019, l’entreprise signalait déjà perdre des contrats au profit de fournisseurs locaux, en raison d’une forte tendance à l’achat nationaliste.
  • Microsoft : Les ventes du géant du logiciel en Chine ne représentent plus aujourd’hui que 1,5 % de ses ventes totales. Pour un marché de cette taille, ce chiffre est remarquablement bas et illustre l’érosion profonde de l’influence du géant du logiciel dans les ventes directes.
  • IBM : Après avoir vu ses bénéfices diminuer de manière constante, la société a été contrainte de réduire ses opérations de recherche à Pékin en 2021.

À cette liste s’ajoutent des entreprises de logiciels comme Adobe, Citrix et Salesforce, qui ont toutes réduit ou retiré leurs opérations directes en Chine. Ce point est particulièrement percutant car il traduit une stratégie politique abstraite en pertes de parts de marché réelles et massives pour des entreprises qui ont longtemps dominé le paysage technologique mondial.

Vu de la France on ne se rend pas compte de la force de cette politique, ni de l’impact sur l’industrie de la tech. Car bientôt la Chine va venir en Europe avec ses solutions souveraines.

Au-delà du Logiciel : UBIOS, une Révolution au Cœur du Démarrage des PC

Si le remplacement des logiciels est une étape visible, la stratégie chinoise va beaucoup plus loin, jusqu’à la couche la plus fondamentale d’un ordinateur : le firmware de démarrage. La Chine a développé UBIOS (Unified Basic Input Output System), une alternative entièrement nationale à l’UEFI, le standard qui lance la quasi-totalité des PC dans le monde avant même le démarrage de Windows ou de Linux.

Développé par le Global Computing Consortium (GCC),est un regroupement de 13 entreprises chinoises incluant Huawei. Ce nouveau standard (identifié par le code T/GCC 3007-2025) a été conçu à partir de zéro

L’UEFI, historiquement lié à Intel et Microsoft, est jugé “lourd” et inefficace pour les nouvelles architectures informatiques hétérogènes et les “Chiplets” (puces modulaires) que la Chine développe activement.

L’innovation majeure d’UBIOS réside dans son “Bus Virtuel Unifié” (UVB). Alors que les firmwares traditionnels ont des interactions complexes et rigides, l’UVB crée une interface de communication standardisée, simplifiant drastiquement les échanges entre tous les composants. En remplaçant l’UEFI, la Chine ne se contente pas de changer d’applications ; elle s’approprie la clé de contact de ses systèmes informatiques, garantissant une indépendance et une sécurité quasi totales.

Alors que l’UEFI a dominé le marché en évoluant à partir du BIOS traditionnel pour surmonter des limitations historiques (comme la prise en charge de disques de plus de 2 To et des démarrages plus rapides), l’UBIOS est un cadre entièrement nouveau axé sur la sécurité nationale, la gestion de l’hétérogénéité des puces et l’établissement de la Chine comme fixateur de normes dans les technologies émergentes.

Le UBIOS support d’autres plateformes que Intel, présente une expérience utilisateur bien plus simple et intimidante que les BIOS actuels. Actuellement les interface bios présentent souvent des options non documentées correctement ou obscures. L’utilisateur ne comprend pas leur fonction.

Une Vision d’Avenir : Plus qu’une Simple Réponse aux Sanctions

Il serait erroné de voir cette quête d’autonomie comme une simple réaction défensive aux sanctions américaines. Il s’agit en réalité d’une stratégie offensive et à long terme, connue sous le nom de “Xinchuang” (“innovation informatique”). Cette politique vise à garantir la sécurité et la fiabilité des technologies nationales.

Cette initiative s’inscrit dans la vision économique plus large du président Xi Jinping, la “double circulation”, qui a pour but de réduire la vulnérabilité de la Chine aux chocs externes en s’appuyant sur la production et la consommation nationales.

L’objectif n’est donc pas seulement défensif, mais vise à inverser les rôles : passer du statut de “preneur de standards” (standard-taker) à celui de “créateur de standards” (standard-setter). En établissant ses propres normes pour les technologies de nouvelle génération, Pékin ambitionne de transformer le reste du monde de fournisseur en simple client, voire en suiveur.

Vers une guerre Numérique Mondiale ?

Les faits sont sans équivoque : la Chine n’est pas seulement en train de remplacer la technologie occidentale. Elle construit brique par brique un écosystème technologique parallèle, complet et souverain, du logiciel le plus visible au firmware le plus enfoui. Cette démarche met fin à des décennies de standards technologiques partagés et annonce une nouvelle ère de compétition. La souveraineté chinoise est un objectif politique.

Dès qu’elle aura complété son écosystème, elle commercialisera en Europe ses systèmes aux normes chinoises. En Europe des voix tirent la sonnette d’alarme pour constituer ici aussi un écosystème propre. Elle sont entendues mais, la volonté collective n’est pas là. Là ou les USA et la Chine sont une seule nation on est 27 pays.

Sources de l’article :

Blog convergia sur le document 79

WCCFTECH sur le lancement du BIOS uBIOS

Par régis BAUDOUIN

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Régis BAUDOUIN
Producteur de XY Magazine depuis 2011, Président d'un éditeur de logiciels Cloud

Régis BAUDOUIN

Producteur de XY Magazine depuis 2011, Président d'un éditeur de logiciels Cloud

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